Appel d’une décision statuant sur la compétence sans statuer sur le fond

La deuxième chambre civile de la Cour de Cassation a rendu un arrêt le 11 Juillet 2019 rappelant la particularité de l’appel dirigé contre une décision se prononçant sur la compétence sans statuer sur le fond du litige.

Lorsque les parties sont tenues de constituer un avocat, il faut appliquer le régime de la procédure à jour fixe :

L’appelant devra alors saisir le premier président de la cour d’appel, dans le délai d’appel à peine de caducité de la déclaration d’appel, en vue d’être autorisé à assigner l’intimé à jour fixe.

Il convient de rappeler les articles 83 et suivants du Code de Procédure civile.

Article 83 du Code de Procédure civile (modifié par le décret du 6 Mai 2017):

« Lorsque le juge s’est prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige, sa décision peut faire l’objet d’un appel dans les conditions prévues par le présent paragraphe.

La décision ne peut pareillement être attaquée du chef de la compétence que par voie d’appel lorsque le juge se prononce sur la compétence et ordonne une mesure d’instruction ou une mesure provisoire ».

Article 84 du Code de Procédure civile:

« Le délai d’appel est de quinze jours à compter de la notification du jugement. Le greffe procède à cette notification adressée aux parties par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Il notifie également le jugement à leur avocat, dans le cas d’une procédure avec représentation obligatoire.

En cas d’appel, l’appelant doit, à peine de caducité de la déclaration d’appel, saisir, dans le délai d’appel, le premier président en vue, selon le cas, d’être autorisé à assigner à jour fixe ou de bénéficier d’une fixation prioritaire de l’affaire« .

Il faut faire attention au délai d’appel dans ce cas qui n’est que de 15 jours.

Article 85 du Code de Procédure civile:

« Outre les mentions prescrites selon le cas par les articles 901 ou 933, la déclaration d’appel précise qu’elle est dirigée contre un jugement statuant sur la compétence et doit, à peine d’irrecevabilité, être motivée, soit dans la déclaration elle-même, soit dans des conclusions jointes à cette déclaration.

Nonobstant toute disposition contraire, l’appel est instruit et jugé comme en matière de procédure à jour fixe si les règles applicables à l’appel des décisions rendues par la juridiction dont émane le jugement frappé d’appel imposent la constitution d’avocat, ou, dans le cas contraire, comme il est dit à l’article 948″.

Cette procédure est particulière et il faut directement motiver la déclaration d’appel, au besoin en joignant des conclusions.

Cass. civ. 2, 11 juillet 2019, n° 18-23.617

Réouverture des débats et observations

La deuxième chambre civile de la Cour de Cassation a rendu un arrêt le 16 Mai 2019 précisant que la décision de réouverture des débats est une mesure d’administration judiciaire qui ne peut faire l’objet d’aucun recours. Elle permet toutefois à l’ensemble des parties, même celles dont les conclusions ont été déclarées irrecevables, de présenter des observations.

Civ. 2e, 16 mai 2019, n° 18-10.825

La Cour de Cassation rappelle que les décisions de réouvertures des débats constituent des mesures d’administration judiciaire qui ne sont pas susceptibles de recours.

L’article 537 du Code de Procédure civile dispose que: « les mesures d’administration judiciaires ne sont sujettes à aucun recours ».

Dans cette affaire, il s’agissait d’un problème de fixation de la résidence de l’enfant d’un couple qui s’était séparé (la mère était partie au Canada et le père était resté en France). Par un jugement du juge aux affaires familiales, la résidence habituelle de l’enfant a été maintenue chez son père avec un droit de visite et d’hébergement pour la mère.

Cette dernière interjette appel et demande la fixation de la résidence de l’enfant chez elle.

Les délais d’appel sont stricts, et le père omet de déposer ses conclusions dans le cadre du délai qui lui était imparti par l’article 909 du Code de Procédure civile. Une ordonnance du conseiller de la mise en état est donc venue déclarer les conclusions du père déposées postérieurement au délai irrecevables.

La Cour ne pouvait donc juger qu’au vu des conclusions de la mère et cette dernière espérait pouvoir tirer avantage de cette erreur procédurale.

Toutefois la Cour n’a pas souhaité rendre un arrêt au fond directement et a rendu un arrêt avant dire droit ordonnant une réouverture des débats et demandant aux parties de produire une pièce ainsi que leurs observations sur l’audition de l’enfant.

Le père a bien sûr profité de la situation pour déposer plusieurs observations, qui ont été retenues par la Cour d’appel, la mère a ainsi été déboutée de ses demandes.

Cette solution peut surprendre mais elle se justifie par l’obligation pour la Cour de respecter le principe du contradictoire.

Maître Aude DARDAILLON peut vous assister dans le cadre de vos procédures d’appel.

Quel délai pour payer le timbre fiscal en appel?

La deuxième chambre civile de la Cour de Cassation a rendu un arrêt le 16 Mai 2019 relatif au délai pour payer le timbre fiscal en appel. Elle précise que le paiement du timbre fiscal devant la cour d’appel doit intervenir avant que le juge statue. Il ne peut donc être régularisé lors d’un déféré à l’encontre d’une ordonnance constatant l’irrecevabilité de l’appel.

Civ. 2e, 16 mai 2019, n° 18-13.434

L’article 963 du Code de Procédure civile dispose que:

« Lorsque l’appel entre dans le champ d’application de l’article 1635 bis P du code général des impôts, les parties justifient, à peine d’irrecevabilité de l’appel ou des défenses selon le cas du droit prévu à cet article ».

En appel, sauf en cas d’aide juridictionnelle il faut régler un timbre fiscal de 225 euros pour les procédure avec représentation obligatoire.

L’absence de paiement du timbre est une fin de non recevoir sanctionné par l’irrecevabilité de l’appel ou des conclusions de l’intimé.

Dans ce dossier, une partie avait relevé appel d’un jugement. Le greffe adressait un avis d’avoir à régulariser la procédure, en acquittant le timbre fiscal de 225 € .

L’appelant ne réglant pas le timbre suite à cet avis, le conseiller de la mise en état décidait de fixer une audience d’incident. En dépit de plusieurs relances pour régler le timbre, l’appelant ne s’est pas acquitter de son obligation et fort logiquement une ordonnance d’irrecevabilité de l’appel a été rendue.

L’appelante a alors formé un déféré et s’est enfin acquitté du paiement du timbre fiscal.En raison du défaut du paiement du timbre fiscal, le conseiller de la mise en état fixe une audience le 11 janvier 2017 et, constatant l’absence de règlement en dépit des rappels à régularisation des 23 mai, 12 août et 9 novembre 2016, rend une ordonnance d’irrecevabilité de l’appel. L’appelante forme alors un déféré et s’acquitte du paiement du timbre fiscal.

Le règlement du timbre fiscal , même intervenu, avant l’audience de déféré est trop tardif et l’irrecevabilité de l’appel ne peut qu’être prononcée.

Il ne faut pas trop différer le règlement du timbre fiscal.

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L’appel provoqué doit être fait dans le délai pour conclure de l’intimé

Civ. 2e, 6 juin 2019, n° 18-14.901

La deuxième chambre civile de la Cour de Cassation a rendu un arrêt le 6 Juin 2019 dans lequel elle précise que l ’ appel provoqué doit être fait dans le délai pour conclure de l’intimé. Ce délai ne peut pas être prolongé comme il est prévu à l’article 911 du Code civil.

L’appel provoqué ne se fait pas non plus par simple conclusions, sachant que la partie n’est pas dans la procédure d’appel pour l’instant.

La Cour de cassation a déjà précisé que l’appel provoqué se faisait par voie d’assignation et dans le délai pour conclure.

Civ. 2e, 9 janv. 2014, n° 12-27.043

Maître Aude DARDAILLON se tient à votre disposition pour toute demande de postulation et/ou questions de procédure en appel.

Opposition et défendeur défaillant

La deuxième chambre civile de la Cour de Cassation a rendu le 6 Juin 2019 un arrêt rappelant que seul le défendeur défaillant peut former opposition.

Cette décision est logique mais méritait d’être rappelée.

Pour rappel, l’article 473 du Code de Procédure civile dispose:

« Lorsque le défendeur ne comparaît pas, le jugement est rendu par défaut si la décision est en dernier ressort et si la citation n’a pas été délivrée à personne ».

L’article 474 du Code de Procédure civile précise qu’ « en cas de pluralité de défendeurs cités pour le même objet, lorsque la décision n’est pas susceptible d’appel et que l’une au moins des parties qui n’a pas comparu n’a pas été citée à personne, le jugement est rendu par défaut ».

La possibilité de former opposition n’est bien sûr pas ouverte à toutes les parties qui ont pu comparaître et se défendre.

L’article 571 du Code civile précise expressément que « L’opposition tend à faire rétracter un jugement rendu par défaut. Elle n’est ouverte qu’au défaillant ».

C’est cette solution qui a été reprise par la Cour de Cassation. En effet seul le défendeur défaillant peut former opposition. Il ne peut s’agir par exemple d’un appelant dans le cadre d’une procédure d’appel. Il faut se référer aux parties de première instance.

Civ. 2e, 6 juin 2019, n° 18-16.291

Appel et défaut d’intérêt à agir

La deuxième chambre civile de la Cour de Cassation a rendu le 6 Juin 2019 un arrêt précisant que le défaut d’intérêt à agir n’affecte pas automatiquement la régularité de la déclaration d’appel.

Le juge en appel a une simple faculté de relever d’office le défaut d’intérêt à agir.

L’article 125 du Code de Procédure civile distingue en effet les fins de non recevoir qui doivent être soulevées par les juges de celles qui peuvent l’être.

Pour rappel, l’article 125 du Code de Procédure civile dispose:

« Les fins de non recevoir doivent être relevées d’office lorsqu’elles ont un caractère d’ordre public, notamment lorsqu’elles résultent de l’inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours, ou de l’absence d’ouverture d’une voie de recours » (alinéa 1)

« Le juge peut relever d’office la fin de non recevoir tirée du défaut d’intérêt, du défaut de qualité ou de la chose jugée ». (alinéa 2)

L’article 31 du code de procédure civile dispose que :

« l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ».

L’intérêt à agir est une « condition de recevabilité de l’action consistant dans l’avantage que procurerait au demandeur la reconnaissance par le juge du bien-fondé de sa prétention. Il doit être personnel, direct, né et actuel.

Le défaut d’intérêt à agir est une fin de non recevoir.

De façon générale, selon l’article 32 du code de procédure civile est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir.

L’article 546 prévoit également que « le droit d’appel appartient à toute partie qui y a intérêt, si elle n’y a pas renoncé ».

Maître Aude DARDAILLON se tient à votre disposition pour toutes questions liées à la procédure d’appel et demande de postulation.

Civ. 2e, 6 juin 2019, n° 18-15.301

Notification des actes à l’étranger (décret n° 2019-402 du 3 mai 2019)

Le décret n° 2019-402 du 3 mai 2019 vient apporter des précisions sur la notification des actes à l’étranger.

Quand une partie est à l’étranger on s’interroge nécessairement sur les règles liées aux notifications.

Le code de procédure civile distingue selon que le destinataire d’une notification demeure à l’étranger ou que la notification provienne d’un État étranger.

L’article 683 du code de procédure civile dispose que: « les notifications des actes judiciaires et extrajudiciaires à l’étranger ou en provenance de l’étranger sont régies par les règles prévues par la présente section, sous réserve de l’application des règlements européens et des traités internationaux ».

Le décret du 3 Mai 2019 est venu créer un article 687-2 du Code de Procédure civile.

L’article 684, alinéa 1er, du code de procédure civile vise la notification aux personnes physiques ou morale (sauf autorité de l’alinéa 2) « ayant sa résidence habituelle à l’étranger ».

Par conséquent, lorsque la notification par le greffe de la juridiction est faite à une personne demeurant à l’étranger, elle doit être adressée au parquet . Il est toutefois possible de le faire en France si le destinataire y a un domicile élu.

Lorsque la notification est faite par remise au parquet, les articles 684-1 et suivant prévoient les démarches que doivent accomplir différents intervenants afin d’atteindre effectivement le destinataire.

Avant le décret, la date de la notification était prévue par l’article 647-1 du code de procédure civile qui dispose que la date de notification à l’étranger « est, à l’égard de celui qui y procède, la date d’expédition de l’acte par l’huissier de justice ou le greffe ou, à défaut, la date de réception par le parquet compétent ».

Le nouvel article 687-2 prévoit une date pour le destinataire selon qu’il a été touché ou non par la notification.

« La date de notification d’un acte judiciaire ou extrajudiciaire à l’étranger est à l’égard de celui à qui elle est faite, la date à laquelle l’acte lui est remis ou valablement notifié.

« Lorsque l’acte n’a pu être remis ou notifié à son destinataire, la notification est réputée avoir été effectuée à la date à laquelle l’autorité étrangère compétente ou le représentant consulaire ou diplomatique français a tenté de remettre ou notifier l’acte, ou lorsque cette date n’est pas connue, celle à laquelle l’une de ces autorités a avisé l’autorité française requérante de l’impossibilité de notifier l’acte.
Lorsqu’aucune attestation décrivant l’exécution de la demande n’a pu être obtenue des autorités étrangères compétentes, nonobstant les démarches effectuées auprès de celles-ci, la notification est réputée avoir été effectuée à la date à laquelle l’acte leur a été envoyé.
 »

L’intérêt est notamment de connaître le point de départ du délai de recours.

Irrecevabilité de l’appel principal et intervention volontaire

La première chambre civile de la Cour de Cassation a rendu un arrêt indiquant que : l’irrecevabilité de l’appel est sans incidence sur la recevabilité de l’intervention volontaire principale.

Civ. 1re, 19 mai 2019, F-P+B+I, n° 17-24.47

Le procureur de la République avait engagé une action en référé contre un bailleur en paiement d’une amende sur le fondement de l’article L. 651-2 du code de la construction et de l’habitation pour avoir loué leur logement de manière répétée pour de courtes durées sans respecter les dispositions légales. Le bailleur a été condamné en première instance à une amende de 2 500 €, mais le procureur de la République a souhaité en relever appel.

La ville de Paris a décidé d’intervenir volontairement à la procédure.

L’appel du procureur de la République ayant été déclaré irrecevable, le bailleur a soulevé l’irrecevabilité de l’intervention volontaire de la ville de Paris.

L’irrecevabilité a été rejeté par la Cour d’appel et le pourvoi du bailleur a également été écarté par la Cour de Cassation. Cette dernière rappelle une solution déjà retenue à savoir que: le sort d’une intervention formée à titre principal n’est pas lié à celui de l’action principale (Civ. 2e, 13 juill. 2006, n° 05-16.579).

Il convient de revenir sur la notion d’intervention. Il s’agit d’une demande incidente qui permet à un tiers de venir dans un procès déjà engagé par d’autres parties.

On distingue l’intervention volontaire de l’intervention forcée.

Mais il convient également de distinguer l’intervention volontaire à titre principal de l’intervention volontaire à titre accessoire.

L’article 329 du code de procédure civile dispose que l’intervention est volontaire est principale lorsque celui qui la forme élève une prétention qui lui est propre. Elle est accessoire lorsque l’intervenant volontaire ne fait que conforter les prétentions d’une partie déjà présente (article 330 du code de procédure civile).

La distinction est importante car dans le cas de l’intervention accessoire le sort de cette dernière est lié à celui de l’action principale.

En revanche lorsque l’ intervention est principale il existe un intérêt à agir propre et une autonomie, son sort ne dépend pas de l’action principale.

En appel, les règles relatives à l’intervention se compliquent.

L’intervention forcée d’un tiers n’est possible que si l’évolution du litige implique cette mise en cause.

Pour que l’intervention volontaire soit recevable, il faut que l’intérêt du tiers se rattache par un lien suffisant aux prétentions des parties originaires.

Augmentation du délai d’appel

« L’augmentation du délai pour relever appel doit s’apprécier au regard du seul lieu de résidence de l’appelant et non de celui des parties ». Il s’agit de la solution retenue par la Cour de Cassation dans un arrêt rendu le 11 Avril 2019 par la deuxième chambre civile.
Cass civ 2ème, 11 avr. 2019, n° 18-11.268